• "Penser le labyrinthe.

    Quelle urgence peut-il y avoir aujourd'hui à évoquer un tel sujet ? Est-ce parce que ma propre vie ressemble à un labyrinthe avec ses impasses, ses retours en arrière, cette approche d'un centre jamais plus éloigné que lorsque j'ai cru l'atteindre ? C'est bien plus que cela. Tel le pèlerin immobile des couvents ou le joueur de Doom, l'homme moderne est en passe de devenir un nomade virtuel, voyageur de l'image et du simulacre, travaillant et consommant à domicile, naviguant sans guide à travers des réseaux d'information et de pouvoirs, rêvant d'appartenir à la future élite des nomades de luxe, randonneurs de tous les plaisirs, créateurs de tous les réseaux, qui, demain, dicteront leurs valeurs au reste de la planète.

    Comprendre le labyrinthe deviendra bientôt essentiel à la maîtrise de la modernité."

    Jacques Attali - Chemins de sagesse, traité du labyrinthe - Fayard - page 30

    Bonne lecture !

    Jack


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  • « Entre le Rozellier et la route de Sommedieue, nous avons croisé le troisième bataillon. Il descendait des Éparges, et il allait cantonner à Belrupt. C'était l'aube ; on y voyait assez pour reconnaître la pâleur terreuse des visages, et les cuirasses de boue cartonnant les capotes gelées. Ceux du troisième nous regardaient, au passage, et presque nous dévisageaient. Personne ne leur a rien demandé ; et ils ne nous ont rien dit. Après qu'ils eurent disparu, un malaise est resté derrière eux, longtemps, comme au village.

    Calonne. Un premier jour ; une première nuit. Le jour on creuse, de chaque côté des routes, des tranchées jamais achevées ; la nuit, on va sur la route des Éparges, coltinant des rondins jusqu'à l'entrée du village. On devine vaguement, devant soi, la crête énorme et noire qui monte vers les étoiles. Au carrefour, près du petit calvaire, des voitures se pressent, moyeu contre moyeu. Il semble qu'on en voie des dizaines ; on ne distingue pas leurs formes : elles sont là, immobiles dans la boue, pareilles à d'inquiétantes épaves. Autour d'elles des hommes vont et viennent, sans parler, trahis seulement par les remous que creusent leurs gestes dans les ténèbres et par le clapotis de leurs pas dans la boue. Lorsqu'on s'approche, on s'aperçoit qu'ils sortent des voitures des choses qu'ils chargent sur leurs épaules et qu'ils portent plus loin, dans la nuit, on ne sait vers où : des rouleaux de fil de fer ? des boucliers ? des obus ? On ne sait pas. »

    Maurice Genevoix - Ceux de 14

    Mon grand-père était à Verdun. Il a souvent évoqué cette époque de sa vie lorsque j'étais enfant. J'étais fasciné par ses récits, mais je sentais une peur s'installer pas à pas au fur et à mesure des mots. Comme si je préssentais que, derrière l'histoire racontée, il y avait une blessure profonde masquée par la dimension incommensurable de l'horreur.
    Je suis allé il y a peu de temps sur le site de Verdun, seul. J'ai marché, vu des images, des films, lu des textes, échangé avec des visiteurs. Au retour j'ai lu cet ouvrage de Maurice Genevoix. J'en ai extrait quelques paragraphes qui vous donneront peut-être envie de partager ce que l'auteur, malgré lui, a vécu. Mais peut-on parler de vivre ?

    Jack


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